DEMANDE DE MISE EN PLACE DU CONGÉ MENSTRUEL ET HORMONAL ET D’AMÉLIORATION DES CONDITIONS DE TRAVAIL DES FEMMES


LETTRE OUVERTE A L’ATTENTION DE MONSIEUR BERTRAND AFFILE,   MAIRE DE SAINT-HERBLAIN 

DEMANDE DE MISE EN PLACE DU CONGÉ MENSTRUEL ET HORMONAL ET D’AMÉLIORATION DES CONDITIONS DE TRAVAIL DES FEMMES 

Monsieur le Maire,  

Le 8 mars, journée mondiale des luttes des femmes pour conquérir de nouveaux droits, n’est pas si loin. 

Après l’avancée historique concernant la constitutionnalisation de la liberté de recourir à l’Interruption Volontaire de Grossesse, la route est encore longue pour la reconnaissance de nos droits de femmes, et pour en gagner de nouveaux. 

Pour preuve, le Sénat a, sans grande surprise, refusé le 15 février dernier de voter favorablement le projet porté par les sénateur·trice·s socialistes lors de leur niche parlementaire de création d’un congé menstruel sous forme d’arrêts maladie de deux jours par mois sans perte de salaire pour les femmes souffrant de dysménorrhée (règles douloureuses) invalidante, dont l’endométriose, et autorisant le télétravail dans cette situation. 

Ce projet était défendu dans une tribune parue dans Libération le 6 février 2024 signée par Jean-Sébastien Guitton Maire d’Orvault (DVG), Karim Bouamrane Maire de Saint-Ouen-sur-Seine (PS), Jeanne Barseghian Maire de Strasbourg (EE-LV), Lionel Benharous Maire des Lilas (PS,) Florian Bercault Maire de Laval (DVG), Mathieu Hanotin Président de Plaine Commune (PS), Pascal Demarthe Maire d’Abbeville (UDI), Grégory Doucet Maire de Lyon (EE-LV), Tony Di Martino Maire de Bagnolet (PS), Anne Hidalgo Maire de Paris (PS), Frédéric Leturque Maire d’Arras (DVD), Guillaume Lissy Maire de Seyssinet-Pariset (DVG), Eric Piolle Maire de Grenoble (EE-LV), Alain Rousset Président de la région Nouvelle-Aquitaine (PS), Stéphane Troussel Président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis (PS) et Romain Vaillant Maire de Villeneuve-Tolosane (PS). 

Vous comprendrez notre déception : la Ville de Saint-Herblain n’a pas mis le congé menstruel à l’ordre du jour du CST du 27 mars, préférant attendre une évolution règlementaire pour agir en faveur de l’égalité femmes/hommes. En janvier dernier pourtant elle se disait prête à passer à l’action dès le début du printemps ! 

Au vu de vos engagements affichés concernant les droits des femmes, et après analyse des conditions minimales voire insatisfaisantes attendues par les signataires de cette tribune et par le projet de loi présenté au Sénat, nous espérons que votre position passive (au contraire par exemple de celle du Maire d’Orvault) s’explique par la volonté d’aller plus loin que la demande d’un simple arrêt maladie dédié ou le passage en télétravail. 

En effet, aller plus loin que l’arrêt maladie, la journée non rémunérée ou le télétravail, c’est ce qui est aujourd’hui attendu par une majorité de femmes. 

La France est très en retard concernant la prise en compte de la situation physiologique des femmes. Le droit au congé menstruel est inscrit dans la loi japonaise depuis 1947, la Corée du Sud autorise un jour non rémunéré par mois pour les employées depuis 2001, quand l’Indonésie autorise depuis 2003 un ou deux jours de congés payés en cas de règles douloureuses. Taïwan accorde trois jours au maximum par an de congés menstruels payés à 50%, en plus de jours de congé maladie normaux. En Afrique, la Zambie a adopté en 2015 une loi accordant aux femmes le droit à un congé menstruel qui leur permet de prendre un jour de congé supplémentaire par mois, sans préavis ni certificat médical en cas de règles douloureuses.  

En Europe, c’est l’Espagne qui a ouvert la voie au progrès social sur ce sujet en 2023. 

Quand les États ne se sont pas emparés du sujet, comme c’est le cas en France, ce sont les employeurs qui l’ont fait, sous diverses formes. C’est le fait de collectivités qui expérimentent des dispositifs ou utilisent les ASA pour enfin reconnaître cette spécificité des femmes. 

Le 8 mars 2023, c’est la municipalité de Saint-Ouen-sur-Seine (Seine-Saint-Denis) qui prenait l’initiative d’instaurer le premier congé menstruel de France pour ses agentes. 

Depuis, plusieurs collectivités ont suivi, comme la ville de Lyon en novembre 2023, qui a mis en place quatre nouvelles ASA pour plus d’égalité femmes-hommes. 

Dès décembre 2023, c’est la Ville d’Orvault qui a ouvert la voie sur le département de Loire atlantique, une des toutes premières communes en France à le proposer. Le Maire d’Orvault Jean-Sébastien Guitton, déclarait d’ailleurs : « Une bonne gestion des ressources humaines, c’est être à l’écoute. Ce dispositif est un vrai progrès social pour la santé des femmes, pour l’égalité professionnelle femme homme et source de bien-être au travail. » 

A Saint-Herblain, c’est plus de 68 % des effectifs (données RSU 2022) qui sont concernés par la possibilité de mise en place d’un congé menstruel et hormonal (ménopause). 

Les enjeux sont grands et ce sujet, de moins en moins tabou, est d’actualité à tout âge et notamment chez les jeunes femmes, dont beaucoup sont victimes de règles douloureuses, et, de plus en plus, d’endométriose. Sans oublier que la moyenne d’âge des agentes de la Ville de Saint-Herblain est de près de 50 ans (donnée RSU 2022), âge moyen de survenue de la ménopause. 

L’instauration de politiques RH volontaristes sur le sujet est un attendu sociétal majeur. Un sondage mené par l’IFOP pour EVE AND CO en 2022 révèle des résultats qui parlent d’eux-mêmes: 

53% des salariées interrogées indiquent subir des règles douloureuses, 16% disant qu’elles sont « très douloureuses ». Une douleur qui affecte notamment les plus jeunes, 63% des 18-34 ans expliquant être dans ce cas contre 47% chez les 35-49 ans et 31% chez les plus de 50 ans. 

  • 35% déclarent que leurs douleurs menstruelles impactent négativement leur travail. Une proportion qui monte à 85% chez celles dont les règles sont très douloureuses.
  • 65% des femmes en activité salariée ont déjà été confrontées à des difficultés liées à leurs règles au travail
  • 1 salariée menstruée sur 5 a déjà fait l’objet de moqueries ou de remarques désobligeantes
  • 37% des salariées disent que la gêne des règles est sous-estimée dans leur entreprise
  • 66% des salariées sont favorables au congé menstruel en entreprise et 64% des femmes concernées pourraient y avoir recours
  • 82% des salariées pensent que le congé menstruel pourrait être un frein à l’embauche ou à l’évolution des femmes
  • 66% estiment qu’une entreprise proposant le congé menstruel serait plus attrayante

Concernant l’endométriose, il s’agit d’une maladie gynécologique chronique qui atteint une femme sur 10(Source :Rapport d’une proposition de stratégie nationale contre l’endométriose du 12 janvier 2022.) et dont le développement serait lié en partie à la pollution (https://reporterre.net/L-endometriose-une-maladie-gyneco-boostee-par-la-pollution) 

« Plus de 33% de femmes considèrent que la maladie pourrait avoir des conséquences sur leurs perspectives de carrière ou d’évolution professionnelle. » En effet, 53 % notent une diminution de leur capacité de travail et un pouvoir de concentration à la baisse (60 %). À cela s’ajoute un niveau de stress plus élevé (58 %), des capacités physiques et intellectuelles réduites pour travailler (62 %) ou encore une démotivation (56 %). Par ailleurs, se lever le matin est parfois presque impossible pour 62 % des femmes interrogées. » (cf. : livre blanc endométriose et emploi)   

Un article qui vient de paraître sur le site de l’Union syndicale Solidaires et que nous vous invitons à lire rappelle que « Les femmes subissent un cumul des pénibilités. C’est cette accumulation qui les amène à l’épuisement, et à concilier avec le travail mais aussi le risque professionnel (notamment les RPS) qui se cumule avec la charge mentale. Ne pas minimiser nos problèmes en n’en regardant qu’un seul mais en regardant l’accumulation globale. Toutes les femmes n’ont pas tous ces effets tout au long de leur vie, mais les femmes qui traversent l’ensemble de ces périodes sans effets n’existent pas ». 

Pour SUD CT Saint-Herblain, il est important de regarder ces congés sous l’angle de la prévention pour concilier cycle menstruel, vie hormonale et vie professionnelle en levant les barrières sociales qui poussent les femmes à se taire. 

Pour nous, la santé des femmes ne doit pas constituer un débat ! Les règles sont douloureuses (sur une durée plus ou moins longue, à certaines périodes de la vie ou tout le temps…) et comme dans d’autres domaines de la santé qui ne concernent que (ou principalement) les femmes (endométriose, migraine, ménopause…), la recherche médicale n’a pas eu comme priorité de s’en préoccuper. Alors certes, le congé menstruel et hormonal ne fera pas cesser les règles douloureuses, et de nombreux·es médecins insistent sur la nécessité de traiter les troubles physiques liés aux menstruations, mais il permet de prendre en compte la protection de la santé des femmes au travail, sans renvoyer, comme souvent, aux progrès à venir de la médecine. 

Aussi, le syndicat SUD CT Saint-Herblain demande, à l’heure où la Ville de Saint-Herblain élabore ses Documents Uniques, de traiter la question par les critères de l’évaluation des risques dans le document unique en tenant compte de la fréquence (tous les 28 jours en moyenne, donc 13 fois par an), de l’intensité de l’exposition aux risques (dépend de la personne et du travail), et de la durée (toute une vie). 

Alors que le travail s’intensifie, par la polyvalence dans les métiers physiques, et par la dématérialisation et le temps de travail sur écran (notamment en visio-conférences) pour les métiers de bureau, nous devons rappeler qu’une femme qui ne peut se rendre aux sanitaires risque, en période de règles, un choc toxique.

Le droit à la déconnexion pendant le travail, le desserrement du temps, les règles de pause en réunions, l’accès à des sanitaires voire à des protections périodiques sont autant de mesures de prévention de ces risques. 

Le syndicat SUD CT Saint-Herblain appelle les organisations syndicales à se joindre à nos revendications :  

  • La mise en place de congés menstruels et hormonaux (ménopause…) : sous forme d’autorisation spéciale d’absence (pas de jour de carence) et 26 jours par an (soit environ 13 cycles)  
  •  Sans délai de dépôt, voire sans validation du.de la responsable hiérarchique afin d’éviter toute stigmatisation 
  • Le recrutement d’effectifs permettant de remplacer les femmes  
  • L’accès pour tous les personnels à des salles de détente et pause, et bien entendu des sanitaires 
  • La mise à disposition de protections périodiques gratuites dans les sanitaires, voire le remboursement des protections. 
  • La formation du personnel sur les enjeux des problématiques hormonales et menstruelles 
  • La dispense de certificat médical pour obtenir des jours d’absence  
  • Ne pas considérer le télétravail comme la réponse miracle : quand on ne peut pas travailler, le télétravail n’est pas une solution. Par ailleurs, le télétravail ne concerne qu’une partie réduite des agentes concernées. 
  • La reconnaissance de l’endométriose comme Affection Longue Durée. 

La voie est ouverte, les tabous doivent être brisés et notre collectivité a toutes les raisons d’être volontariste et réellement en avance en offrant une avancée sociale majeure aux agentes qui rendent le service public de la Ville tous les jours ! 

Nous restons bien entendu à votre disposition et à celle de l’administration générale, pour faire avancer la cause des femmes au sein de notre collectivité, via le travail mené en F3SCT et en CST. 

Nous vous remercions par avance pour l’attention que vous porterez à ce courrier, et vous prions de croire, Monsieur le Maire à l’assurance de notre parfaite considération. 

Le bureau de SUD

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